Monsieur Vautard, pouvez-vous présenter et ce que vous faites ?
Je suis climatologue et météorologue. Je suis directeur de recherche CNRS (Centre National en Recherche Scientifique) ainsi que directeur de l’IPSL (Institut Pierre Simon Laplace) et j’ai également co-coordonné l’un des chapitres du sixième rapport du GIEC, sorti en août 2021.
L’IPSL effectue des recherches sur les climats du passé, réalise l’observation de l’atmosphère ainsi que son évolution. L’IPSL développe un modèle du climat qui comprend toute la physique des océans, des glaces, de l’atmosphère et de la végétation.
D’après le résumé technique du 6e rapport du GIEC, nous savons que le climat que l’on va connaître dépendra de nos émissions actuelles et futures. Robert Vautard a résumé pour nous les conséquences sur l’évolution des variables climatiques avec un niveau de réchauffement planétaire à 2°C.
Le réchauffement planétaire dépassera les 1.5°C dans la décennie 2030-3040 et 2°C d’ici 2050.
En termes de conséquences, un niveau de réchauffement planétaire des températeurs de +2°C va se traduire par :
- deux fois plus de vagues de chaleur dans le monde qu’aujourd’hui
- des sécheresse accrues ainsi que la perturbation du cycle de l’eau
- des précipitations extrêmes plus fréquentes qui seront d’autant plus impactantes que les sols sont artificialisés
- une augmentation des risques de feux/méga feux
- une intensité plus marquée des cyclones
- une augmentation du niveau des mers
- il y aura aussi une combinaison d’extrêmes : par exemple des précipitations accrues ou encore des submersions marines
Dans tous les cas, toutes les actions humaines de cette décennie vont avoir des effets dans 20 ans environ. Si les émissions de GES (Gaz à Effet de Serre) venaient à être réduites dès maintenant, on stabiliserait le climat, car l’humain l’a déjà perturbé pour des centaines d’années.
Ce que l’on peut seulement faire c’est “limiter la casse” pour le futur.
Quel(s) secteur(s) en France connaîtrait(en)t le plus d’impacts négatifs et positifs liés au changement climatique ?
Sans parler de “secteur”, nous pouvons déjà dire que c’est la biodiversité qui en pâtit le plus. La rapidité du changement climatique est telle que les espèces vivantes (non humaines) ont du mal et auront de plus en plus de mal à s’adapter. C’est une véritable crise de la biodiversité que l’on a provoquée en alimentant le changement climatique.
Le premier secteur humain qui est impacté et qui va être le plus impacté est l’agriculture. Les rendements agricoles vont diminuer, notamment pour les cultures d’été comme le maïs et la betterave par exemple.
Les cultures vont aussi subir des gels tardifs : les températures douces vers la fin de l’hiver favorisent la croissance de la végétation, sauf qu‘il y a encore des jours de gel parfois jusqu’en avril. Cela cause des problèmes de récoltes et provoque des diminutions de rendement. On a vu les dégâts provoqués dans la viticulture en avril dernier (2021).
Le changement climatique va aussi impacter la santé humaine, l’accès à l’eau, l’accès à l’énergie et dans une moindre mesure les infrastructures.
Echanges autour du concept de l’adaptation
Aujourd’hui, nos dirigeants mettent beaucoup l’accent sur les mesures d’atténuation du changement climatique. Or, selon le GIEC, les mesures d’adaptation sont aussi nécessaires étant donné qu’on vit déjà les conséquences du changement climatique et qu’elles vont s’accentuer.
Revenons sur le terme d’adaptation : l’adaptation consiste en la limitation des conséquences du changement climatique.
Une bonne stratégie d’adaptation nécessite que l’Etat non seulement protège les populations les plus vulnérables (qui sont aussi souvent les plus pauvres), mais aussi construise des politiques de solidarité ou encore mutualise les efforts avec les collectivités territoriales. En effet, ce sont les Régions et collectivités locales qui ont une connaissance fine du terrain et du tissu social.
De plus, ces collectivités ont la main sur un bon nombre de politiques clés comme la gestion des transports et de l’éducation. Elles joueront donc un rôle déterminant pour assurer une bonne adaptation, si c’est la stratégie adoptée. Pour le moment, la coordination entre l’Etat et les collectivités territoriales de façon à mener une stratégie d’adaptation pertinente manque cruellement.
Ce qu’il manque également, c’est une véritable transmission des connaissances sur les conséquences du changement climatique, et donc, par la même, la construction d’une culture du risque. Or pour s’adapter, il faut connaître quels seront les effets indésirables attendus. L’IPSL essaie à son échelle de transmettre les connaissances sur le climat : il y a des interventions dans les lycées et l’institut a aussi développé des jeux pour les étudiant.e.s.
Conclusion
Grâce à cet entretien, nous avons pu revenir sur des éléments importants liés aux enjeux de l’adaptation au changement climatique. Cependant, les stratégies pour y arriver présentent des lacunes alors même que les effets du changement climatique se font déjà ressentir.
D’autre part, il y aura forcément des menaces indirectes liées au changement climatique et qui ne seront pas des phénomènes météorologiques locaux : des flambées de prix de matières premières, des conflits liés à la raréfaction de certaines ressources ou encore, par exemple, des pressions supplémentaires sur les populations dont l’économie est directement exposée au climat.
Pour aller plus loin
Pour en apprendre davantage sur ce que fait l’Institut Pierre-Simon Laplace, cliquez sur ce lien.
Le rapport AR6 du GIEC groupe II, sur l’adaptation (le rapport complet sera finalisé en septembre 2022)
La synthèse et l’analyse de Bon Pote sur le rapport du groupe II
Pour ne rien manquer des activités de JAC, suivez les réseaux de JAC : Facebook, Instagram, LinkedIn.
Demandez une conférence pour votre école, lycée, université, association, collectivités territoriales… : les JAC se déplacent dans toute la France pour sensibiliser à la géopolitique du climat, aux enjeux de biodiversité, de justice sociale, et bien d’autres.