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La conférence des Nations Unies sur les Océans – retour sur 5 jours déterminants pour le futur de nos océans

Du 27 juin au 1er juillet 2022, chefs d’états, représentants officiels et représentants de la société civile se sont rassemblés à Lisbonne pour la deuxième conférence de Nations Unies sur les océans (UNOC). Cet évènement avait pour objectif d’accélérer la mise en place de solutions innovantes et basées sur la science pour atteindre l’objectif de développement durable 14 : la conservation et l’exploitation durable des océans.

La conférence de l’ONU sur les océans: contexte et objectifs

Régulateur du climat, réservoir de biodiversité, source majeure d’oxygène… Le rôle des océans dans le fonctionnement du système Terre et pour la survie des êtres humains n’est plus à démontrer. Pourtant, le tableau n’est pas reluisant : 34% des stocks de poissons sont surexploités, 90% des récifs coralliens sont voués à disparaître si le climat mondial se réchauffe de 1,5°C et 37% des mammifères marins sont menacés d’extinction. En cause, de multiples pressions – changement climatique, acidification, surpêche, pollution – qui menacent les écosystèmes marins, souvent de manière simultanée.

Pourtant, la protection et la gestion durable des océans semble être le parent pauvre de l’action internationale pour la conservation de la nature. L’objectif de développement durable (ODD) 14 Vie Marine, visant à “Conserver et exploiter de manière durable les océans, les mers et les ressources marines aux fins du développement durable” est l’ODD le moins bien financé de tous l’Agenda 2030!

Reconnaissant que l’océan est “fondamental à la vie sur Terre et à notre futur”, les Nations Unies ont rassemblé plus de 6000 participants dont 24 chefs d’État et de gouvernement, et plus de 2 000 représentants de la société civile, lors de la Conférence sur les océans à Lisbonne, co-organisée par le gouvernement portugais et kenyan. 

Nous vous proposons un petit décryptage de cette semaine haute en couleurs autour des quatre grands thèmes qui ont structuré cette conférence : protection, pêcheries, exploitation minière et pollution.

Gestion, Protection, Restauration, le triptyque pour sauver nos océans ?

Pour préserver les océans face aux nombreuses pressions qui pèsent sur eux, les scientifiques plaident pour la protection d’au moins 30% des océans d’ici 2030 (souvent appelé l’objectif 30×30). Pourtant aujourd’hui à peine 8% des océans bénéficient d’un statut de protection plus ou moins strict, et moins de 2% des océans est fortement ou totalement protégés (ces zones sont en réalité les seules pour lesquelles les mesures de protection ont un impact réel et visible sur l’état de santé des écosystèmes…). Quelques pas en avant ont été réalisés pendant l’UNOC, notamment l’annonce du gouvernement des Pays-Bas d’intégrer la mer des Wadden dans un réseau d’aires marines protégées européen.

Cependant, il reste beaucoup à faire, notamment sur la gestion de la haute mer. La haute mer, sont les zones au-delà des juridictions nationales, plus connues sous leur acronyme anglais « BBNJ », Biodiversity Beyond National Jurisdiction. Elle représente environ 60% de la surface des océans, et elle est le lieu de nombreuses activités (transport, pêche, exploitation, collecte de ressources génétiques…). La gestion de ces zones est donc déterminante pour atteindre l’objectif du 30×30. Pourtant, il n’existe aujourd’hui pas de cadre légal contraignant pour réguler les activités en haute mer et y protéger la biodiversité. L’élaboration d’un instrument juridiquement contraignant sur la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine en haute mer a été initiée en 2017 dans le cadre de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. Le traité tant attendu devrait être finalisé lors de la 5ième session de négociations mi-août (2022)… Affaire à suivre donc !

Du poisson dans les océans et dans nos assiettes : protection des océans et sécurité alimentaire les deux faces d’une même pièce

Alors que 34% des stocks de poissons sont surexploités, la régulation des pêches était un sujet central de l’UNOC. La surexploitation est majoritairement le résultat de pêcheries industrielles aux méthodes non sélectives et destructrices. Ce type de pêche se fait au détriment des pêcheries artisanales à petite échelle qui constituent une source de subsistance et de revenus pour des millions de personnes, essentiellement dans les pays du Sud. Ces derniers ont lancé un appel à l’action pour garantir un accès préférentiel et la cogestion des zones côtières, la participation des femmes à l’innovation, la protection contre les secteurs concurrents ainsi que la transparence dans la gestion des pêches.

Les grands fonds marins : méconnus et déjà menacés

L’exploitation minière des fonds marins était un enjeu central et urgent de cette semaine à Lisbonne. En effet, plusieurs compagnies minières projettent de récupérer des nodules polymétalliques riches en minerais (cuivre, nickel, cobalt) qui reposent au fond des océans (principalement dans le Pacifique). Cette exploitation serait particulièrement néfaste, détruisant la biodiversité encore peu connue des fonds marins et remettant en suspension de gigantesques nuages de sédiments, altérant la vie marine sur plusieurs kilomètres. Cela représenterait également une véritable bombe climatique, libérantdans l’atmosphère du carbone qui avait été piégé durablement dans les sédiments. 

Plusieurs pays du Pacifique dont Palau, Fidji et Samoa, ont plaidé en faveur d’un moratoire sur l’exploitation des grands fonds marins, soulignant que les risques pourraient dépasser les bénéfices potentiels. De plus, ils ont dénoncé la logique impérialiste de cette appropriation de ressources du Sud par quelques entreprises occidentales, tout en rappelant la valeur symbolique et la place importante que l’océan occupe dans l’identité de nombreux peuples du Pacifique. La mise en place du moratoire est également soutenue par une déclaration parlementaire mondiale menée par l’eurodéputée Marie Toussaint, rejointe pendant la semaine par 102 signataires de 37 pays.

Ces mobilisations semblent avoir porté leurs fruits: en fin de semaine, Emmanuel Macron a affirmé que les fonds marins devaient être protégés des activités humaines mettant en péril les écosystèmes. Reste à voir si ces annonces se traduiront en actions concrètes comme l’interdiction de l’exploitation dans nos zones économiques exclusives et le soutien au moratoire international.

Plus de plastique que de poissons d’ici 2050… ?

Avec 11 millions de tonnes de plastiques déversées annuellement dans les océans, la pollution plastique est une menace majeure pour les écosystèmes marins. Le Forum des îles du Pacifique et l’Alliance des petits États insulaires ont appelé à la mise en place d’un instrument international juridiquement contraignant sur la pollution plastique d’ici 2024. Plusieurs États, dont le Japon, le Kenya ou encore l’Inde, ont également affirmé leur volonté de lutter contre la pollution plastique, notamment en interdisant les plastiques à usage unique. Des engagements financiers ont également été au rendez-vous, avec la Banque de développement d’Amérique latine qui a annoncé un engagement volontaire de 1,2 milliard USD pour soutenir des projets en faveur de l’océan dans la région.

La conférence a permis de rassembler de nombreux acteurs, ayant des usages et des relations à l’océan très diverses. La protection de l’océan était au cœur des discussions et des annonces importantes ont été prononcées pendant cette semaine. Cependant, la majorité des sous-objectifs de l’ODD 14 “vie marine” n’ont pas été atteints lors de la dernière décennie. Beaucoup reste donc à faire dans la « décennie pour les océans” qui arrive !

Pour aller plus loin

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Demandez une conférence pour votre école, lycée, université, association, collectivités territoriales… : les JAC se déplacent dans toute la France pour sensibiliser à la géopolitique du climat, aux enjeux de biodiversité, de justice sociale, et bien d’autres.

De nombreux scientifiques, politiques et activistes se battent pour protéger efficacement et concrètement les océans. Voici quelques ressources pour suivre leurs combats !

L’association BLOOM, se bat entre autres sur le terrain législatif contre la pêche industrielle et pour promouvoir les pêcheries artisanales à petite éhelle : https://bloomassociation.org/

The MPA Guide, une initiative scientifique qui propose un cadre d’évaluation de l’efficacité des aires marines protégées, un outil important pour la gestion de nos espaces marins : https://mpa-guide.protectedplanet.net/ La campagne #LookDown, lancée par la Sustainable Ocean Alliance et Camille Etienne contre l’exploitation minière des fonds marins. Voici leur kit avec toutes les informations : https://soafrance.notion.site/D-fendons-l-oc-an-profond-9321d371569342bba9c8b8cb4f048d9c

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