L’Afrique face aux changements climatiques
Des menaces graves pèsent sur le continent africain et rappellent l’importance des mesures d’adaptation à la crise climatique
Selon le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), le continent africain émet actuellement environ 4% des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES). Pourtant, le continent subit déjà les conséquences des changements climatiques, qui s’accentuent et s’accumulent à chaque fraction de degré supplémentaire que nous atteignons. Selon l’Organisation des Nations unies, c’est ainsi le continent le plus vulnérable aux effets des changements climatiques.
En Afrique du Nord et en Afrique australe, le GIEC prédit des sécheresses intenses et plus fréquentes : les précipitations moyennes annuelles pourraient diminuer de 20% le long des côtes de la Méditerranée et jusque dans le nord du Sahara. Au contraire, en Afrique centrale et au Sahel, les épisodes d’inondation seront de plus en plus fréquents et intenses, et la pluviométrie augmentera d’environ 7% rien qu’en Afrique tropicale et orientale.
Rappelons-nous de la sécheresse à Madagascar qui a causé la plus grande famine due aux changements climatiques, des incendies en Algérie, des glissements de terrain au Kenya, de la fonte des glaces des monts ougandais, ou encore des invasions de criquets pèlerins en Afrique de l’Est à la suite de pluies anormalement abondantes. En découlent des conséquences humanitaires, sanitaires et économiques graves pour des populations déjà vulnérables, contraintes à fuir leurs terres à la recherche de meilleures conditions de vie.
Pour autant, la promesse d’aide des pays riches à l’adaptation des pays d’Afrique aux changements climatiques n’a pas été tenue. Lors de la Conférence de Copenhague en 2009, les pays développés s’étaient engagés à réunir 100 milliards de dollars par an pour les pays les moins avancés dès 2020. Or, l’Afrique n’a reçu que 26% des financements climatiques, dont une majorité a été allouée à des mesures d’atténuation au détriment de mesures d’adaptation.
Par exemple, l’Ouganda s’est vu promettre 30 millions de dollars lors de la COP25, selon Maria Nakitende, représentante de l’Ouganda à la COP26 qui s’est confiée aux JAC à Glasgow. Cependant, le calendrier n’a pas été précisé : “J’ai demandé : 30 millions pendant un an, cinq ans, dix ans ? On m’a répondu : c’est sans limite, c’est 30 millions maintenant.” L’Ouganda, à ce jour, n’a toujours rien reçu.
L’urgence est là, mais la COP26 ne semble toujours pas être à la hauteur des demandes des pays d’Afrique : il leur faut des moyens financiers colossaux pour s’adapter et en réparation des pertes et dommages déjà vécus par les habitant.e.s. Maria Nakitende ajoute “On a besoin que les pays développés nous ‘remboursent’ en agissant concrètement contre le changement climatique”.
Un continent sous-représenté aux négociations de la COP26
L’accord conclu samedi 13 novembre illustre la marginalisation des pays africains : la question du financement de l’adaptation n’est toujours pas résolue
La zone bleue, zone officielle de la COP, est la zone où l’on voit le plus la sous-représentation des délégations des pays d’Afrique et des organisations de la société civile du continent par rapport aux importantes délégations des pays riches. En tout, seulement une vingtaine de chefs d’État et une trentaine de ministres africains se sont rendus à Glasgow en raison de mesures sanitaires endurcies, de difficultés à obtenir un visa ou de prix inaccessibles de transport et de logement. Au contraire, les grandes entreprises polluantes étaient bien représentés avec plus de 500 lobbyistes, notamment du secteur des énergies fossiles.
Cette absence exacerbe les rapports de domination des pays occidentaux sur les autres pays, allant dans le sens des intérêts économiques et politiques des premiers. Certaines ONG avaient d’ailleurs demandé le report de la COP26 pour une meilleure représentativité et justice environnementale.
Finalement, l’accord adopté est très peu ambitieux : il n’est pas à l’hauteur du principe de “responsabilité commune mais différenciée”, qui devrait se traduire par une plus grande solidarité internationale. Quasiment aucune mesure n’est prévue pour les pertes et dommages subis par les populations des pays en développement et l’enjeu du financement pour l’aide à l’adaptation est reporté à une prochaine COP.
En effet, les pays en développement refusent que ces financements prennent la forme de prêts alors qu’ils ne sont pas historiquement responsables de la crise climatique actuelle. Ils réclament des financements sous forme de dons, ce que les pays riches ont rejeté. Ce point d’achoppement a mis un coup d’arrêt à l’aboutissement d’un consensus.
La dénonciation de la sous-représentativité des pays les moins riches s’est d’ailleurs matérialisée par l’organisation d’une contre-COP avec le People’s Summit à Glasgow. Cet événement inclusif avait pour objectif de montrer que des citoyen.ne.s du monde entier sont favorables à des changements structurels et radicaux de la société et qu’iels sont capables de prendre des décisions pour eux-mêmes. Emem J. Okor, venu du Nigeria pour le People’s Summit, a témoigné son ressenti auprès des JAC : « Je ne peux pas rencontrer les négociateurs donc comment puis-je les influencer ? C’est ça ma frustration par rapport à la COP. Nous devons faire partie du processus de décision ».
Une jeunesse africaine qui se mobilise pour la justice environnementale
La jeunesse africaine s’engage pour que les intérêts des populations soient reconnus dans la lutte contre les changements climatiques
Des figures du militantisme ont rejoint la COP26 comme les militantes Vanessa Nakate, Ougandaise, et Elizabeth Wathuti, Kényane, qui a fait un discours vibrant face aux chef.fe.s d’Etat. La génération climat s’est également indignée dans les rues de Glasgow le 26 Novembre, reflétant l’engagement de centaines de milliers de jeunes du monde entier pour une même cause : exiger la justice environnementale.
Kevin Ossah, seul représentant jeune de la délégation togolaise, qui a pu venir grâce aux dons des internautes, s’est confié : “Il y a eu beaucoup de blablabla et des promesses, mais il faudrait que la jeunesse africaine puisse être soutenue pour agir sur le terrain afin d’impacter les communautés vulnérables aux changements climatiques”. Il ne considère pas non plus que les dirigeants des pays africains soient véritablement des alliés : “Les dirigeants ont leurs agendas politiques et ils ne sont pas vraiment dans l’action climatique, mais il nous faut [la jeunesse africaine] les interpeller et agir”.
Des rappels à l’ordre qui montrent bien que le changement véritable ne va sûrement pas s’opérer par des décisions venues d’en haut, mais par le bas, dans les rues, auprès de la jeunesse.
Conclusion
La COP26, souffrant d’un manque de représentativité des pays en développement et notamment d’Afrique, reste une occasion manquée des pays riches pour tenir leurs promesses envers ces pays plus vulnérables face à la crise climatique.
Les paroles creuses et les déclarations d’intentions n’ont pas été traduites dans l’accord final, qui reste mou car non contraignant. Il n’est pas à la hauteur des revendications des pays d’Afrique, qui subissent de plein fouet les effets du changement climatique alors qu’ils n’en sont pas responsables. Les mobilisations des jeunes, les générations qui vont être impactées, n’ont pas suffi. La mise en lumière des vies perdues et des dégâts causés dans ces pays vulnérables n’a pas non plus suffi.
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