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L’engagement collectif : la clef d’un futur viable ?

Reçus au micro de Victoire Theismann, créatrice du podcast « Si je change, le monde change : l’effet Papillon », Esther et Jérémie se sont prêtés au jeu de l’interview et ont répondu aux questions de leur interlocutrice. Engagement, force du collectif, négociations internationales sont des thèmes abordés durant cet échange placé sous le signe de la bienveillance et de l’écoute.

L’entraide, pilier d’un monde en mouvement

Esther nous parle de la motivation que lui a procuré le fait de s’entourer de personnes ayant les mêmes préoccupations qu’elle. En effet, rencontrer des personnes avec qui nous partageons des valeurs et une vision du monde peut être salvateur et se révèle être une source d’énergie intarissable. En plus d’une coopération entre membres d’une même génération, elle appelle également à la coopération intergénérationnelle. Loin du mythe de la génération d’après-guerre qui consomme sans se soucier du lendemain, Victoire Theismann témoigne de son expérience d’avoir été élevée dans les années 70, où elle notait déjà un éveil face aux enjeux de préservation de l’environnement. Ainsi, cette prise de conscience sur les enjeux écologiques qui est (à tort) attribuée à ces dernières décennies commence à voir le jour déjà dans les années 70 ; avec notamment les premiers sommets internationaux qui préfigurent l’existence des COP.

S’adapter face au changement

En tant que militant.e écologiste ou simplement personne concernée par ces enjeux, il arrive que l’on doive faire face à de nombreux discours de détracteurs. Pour citer un des plus récurrents : « ça ne sert à rien de changer puisque tout le monde ne fera pas de même ». Sur ce sujet, Victoire interroge ses deux interlocuteurs sur l’influence que peuvent avoir les changements impulsés par la France à une échelle européenne, voire mondiale. Esther et Jérémie y répondent en partant du principe qu’en tant que pays ayant une certaine influence sur la scène économique et politique mondiale, la France peut entraîner d’autres États à prendre des décisions importantes en accord avec un futur durable. Ils se prennent à rêver d’une France qui mettrait les enjeux écologiques au centre de ses préoccupations et qui servirait de modèle dans le domaine de la lutte contre le dérèglement climatique et l’extinction de la biodiversité. Quand bien même cet exemple ne serait pas suivi par d’autres nations, il en demeurerait que la France serait un pays en capacité de faire face aux drastiques bouleversements qui nous attendent.

De ce fait, iels évoquent la dimension systémique de l’adaptation de nos modes de vie vers un mode de vie plus durable et les nombreux bénéfices qui en découleront. Agir pour le climat revient à agir pour l’éducation, pour le bien être, contre les inégalités. Le sujet de l’adaptation revient souvent sur la table. La refonte de notre société dans le but de s’adapter à un monde moins viable pour les humains doit être emprunt de changements qui viendront traiter les maux à la racine et non plus seulement les conséquences visibles.

Changer les choses : petites et grandes échelles

Au cours de cette discussion, vient aussi le sujet des négociations internationales. Esther et Jérémie rappellent le rôle des Conference Of Parties (COP) qui visent à rassembler annuellement les États afin de faire le point sur leurs ambitions, leurs émissions et prendre des engagements devant la communauté internationale. Les négociations se font dans le cadre des objectifs fixés par l’Accord de Paris. La prochaine en date est la COP 27 qui se tiendra au mois de novembre 2022. Cependant, si celle-ci est la 27e COP sur le climat, Esther et Jérémie nous apprennent l’existence d’autres COP qui centrent les négociations sur le thème de la biodiversité. Par exemple la COP15 sur la biodiversité, censée se dérouler en 2020 mais n’ayant toujours pas eu lieu à cause de la pandémie.

Sur le sujet des grands sommets internationaux, Jérémie fait part de sa méfiance. Selon lui, être sans cesse dans l’attente que des décisions à hauteur de l’urgence soient prises par les décideurs et les grandes instances n’est pas suffisant. Il appelle à la mobilisation des citoyens  : « Il n’y a rien de plus puissant que l’action. […] il faut que ce soit les citoyens qui prennent en main ces questions-là ». Il fait part de sa déception face à la COP 26 à laquelle ils ont assisté avec Esther. Bien que préparés, ils sont « déçu[s] dans la non volonté politique de vouloir faire quelque chose qui changerait ». Jérémie parle par la suite de désobéissance civile, qu’il considère comme une réappropriation de l’espace publique et politique par les citoyens, afin de marquer leur désaccord face aux projets et lois promulguées. Esther et lui évoquent le projet Eacop porté par TotalEnergies, contre lequel une prise de position des instances internationales est primordiale afin d’empêcher le projet d’aboutir. De plus, en tant que jeunes actifs ou étudiants, prendre position face à des décisions qui ne sont pas en phase avec le futur que nous imaginons est une manière de montrer que nous savons poser un regard critique sur l’ordre établi.

Sur le sujet des COP, Esther dit cependant qu’elle ne se voit pas avancer sans l’aide de celles-ci qui sont pour elles le symbole de la coopération entre les échelles, entraide indispensable afin de construire un futur qui prend en compte les besoins de chacun. Jérémie rejoint Esther sur ce point et appelle à l’action simultanée de toutes les échelles : agir dès qu’on peut agir. Victoire synthétise cette pensée par le terme de « double mouvement » qui indique que les changements doivent autant venir d’une échelle locale, par nos actions quotidiennes et nos prises de consciences, que des instances politiques qui détiennent ce pouvoir décisionnaire. Cette notion de coopération, ils ne la voient plus comme une des solutions mais comme un pilier de notre monde sans lequel ce dernier s’effondrerait.

Parmi les solutions, un tri sélectif parfois nécessaire

Face à cela, la Convention Citoyenne pour le Climat apparaît comme la solution qui aurait pu changer complètement la direction qu’a pris la France en termes de résolutions. Encore eut-il fallu que les mesures qui ont découlé de cette formation citoyenne aux grands enjeux soient écoutées et appliquées par les décideurs. Les participants de la convention ont été formés durant plusieurs jours et ont rédigé à la fin de leur formation 150 mesures pour lutter contre le dérèglement climatique basées sur une concertation une fois toutes les clefs en main pour comprendre les enjeux écologiques. Ces manières de procéder afin de trouver des solutions ont été reprises plusieurs fois (laboratoires…). Mais, comme le dit Esther, « on ne leur donne pas la capacité de changement qu’elles pourraient avoir ».

Autre axe abordé dans cette discussion : la comparaison de notre mode de vie actuel (manière de produire de l’énergie, de se nourrir…) avec les sociétés considérées comme plus « primitives », souvent prises comme exemple de sobriété. Elles vivent plus simplement que nous, occidentaux et dépendent peu des énergies fossiles. On leur attribue souvent le mérite d’avoir gardé une intelligence humaine, l’intelligence du vivant. Esther nuance ces propos en nous mettant en garde de ne pas tomber dans la caricature et prendre ces populations comme un exemple ou d’avancer l’argument du « c’était mieux avant ». Face à cette envie de parfois revenir en arrière, d’autres comptent sur le techno-solutionisme qui consiste à mettre tous ses espoirs de voir le monde s’améliorer grâce aux solutions technologiques. Cependant, cette manière d’envisager le futur ne fait que proposer des solutions aux conséquences auxquelles nous faisons face mais sans en réparer les causes. Il ne prend en compte les changements que du point de vue du climat alors que c’est un tout qu’il faut voir, notamment à travers le prisme de la biodiversité. L’extinction de masse à laquelle nous faisons face est tout aussi importante que les changements climatiques. Elle occupe moins de place dans l’espace médiatique car moins visible et difficile à quantifier. De plus, traiter le thème de la biodiversité implique une remise en question en profondeur du système car sa préservation dépend de beaucoup plus de facteurs que la baisse des émissions de gaz à effet de serre.

La solution ne serait donc finalement pas de construire un monde flambant neuf imaginé de toute pièce mais bien de s’inspirer de tout ce qui a existé et de ce qui existe aujourd’hui. Prendre le meilleur de chaque élément pour fonder un mode de vie durable. L’heure n’est plus aux dystopies mais aux projections positives du futur afin d’avoir des exemples de ce à quoi pourrait ressembler notre monde. Monde dans lequel on s’échange des pratiques, on communique, on construit des réseaux entre citoyens. Il est urgent de sortir d’un schéma compétitif pour aller vers un modèle d’entraide sincère. Nombre d’êtres vivants ne peuvent vivre et prospérer que grâce à la coopération entre les espèces, qu’elles soient animales, végétales ou autres. Dans ce cas là, pourquoi les humains seraient-ils une exception ?

Au travers de cette riche discussion, Esther et Jérémie ont apporté des réponses et soulevé des questions sur des sujets qui nous animent tous. La coopération comme fondement de notre monde futur est un thème récurrent dans leurs discours, alors faisons en sorte que cette projection aille plus loin que les mots et s’inscrive définitivement dans la matière par nos actes.

Pour aller plus loin

Vous pouvez retrouver cet épisode du podcast de Victoire Theismann ici.

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