Peux-tu résumer les grandes étapes de ton parcours ?
Alors j’ai fait une école d’ingénieurs, AgroParisTech, dans laquelle je me suis spécialisé en écologie, notamment marine pendant un passage à Barcelone, et surtout en sciences politiques de l’environnement. J’en ai vraiment profité pour faire des stages, dans beaucoup (trop ?) de dimensions ayant trait aux changements environnementaux et à la transition de manière générale : sur la réduction d’émissions de GES à Berlin, en écologie marine en Martinique, sur du développement rural au Brésil. Je suis resté ensuite dans la veine du développement en m’inscrivant dans un Master en Développement international, spécialisé sur le changement climatique, dans une université au Royaume-Uni : la University of East Anglia. Elle est un peu moins connue que les grandes britanniques, mais géniale sur le sujet du changement climatique. C’est en même temps que j’ai démarré mon mandat de Jeune Délégué dans la délégation interministérielle au changement climatique, à la COP22 et jusqu’à plus ou moins la COP24.
Ensuite, après un stage à la CCNUCC, et avoir fait un passage dans un think tank sur l’économie du climat (I4CE) j’ai décidé de mettre cet aspect, un peu « négos », de ma vie sur pause, et de m’orienter sur un boulot davantage de terrain. Je voulais être plus légitime sur les sujets que je défendais : je parlais à qui voulait bien l’entendre d’agroécologie, d’adaptation basée sur les communautés, de solutions fondées sur la nature, du « travailler ensemble » entre le public et le privé, et au-delà des livres je ne savais pas trop ce que ça voulait dire. J’ai donc postulé à PUR Projet, qui est une entreprise sociale qui réalise des projets de restauration d’écosystèmes et d’agroécologie, surtout avec des communautés intégrées dans des chaînes d’approvisionnement : café, cacao, textile, etc. Je m’occupe plus particulièrement des aspects « recherche » et évaluation d’impacts. C’est passionnant, d’être à la confrontation des deux mondes du privé et des communautés rurales. J’ai en outre la chance d’avoir un poste vraiment transversal, dans lequel je suis amené à travailler sur beaucoup de projets. Par exemple j’étais en Ethiopie, et là je pars en Colombie – petite route du café ! Bilan carbone affreux, mais j’espère que ça vaudra le coup côté impact.
En parallèle je me suis mis à bosser à SOAS, au Centre pour l’Environnement, le Développement et les Politiques Publiques, comme tuteur académique – j’accompagne les étudiants dans un master sur le changement climatique.
Comment as-tu rencontré les autres co-fondateurs de l’association ?
Et bien j’ai été recruté en 2016 comme Jeune Délégué par CliMates et le REFEDD d’une part, et la délégation d’autre part, un peu avant la COP-22. Quand est venu le moment de recruter nos successeurs, j’ai rencontré Cécile, Côme, et puis dans le même petit cercle des passionnés de négos, Hélène, qui venait de finir les Mines d’Alès, et Auriane, à l’ENS.
Comment as-tu/avez-vous eu l’idée de créer les JAC ? Pourquoi avoir créé cette association ?
Et bien l’idée initiale, je crois, c’était d’augmenter la force de frappe des JDs.
Pour donner un peu de contexte, quand on a construit le programme avec CliMates et le REFEDD, avec l’autre JD (Lise Tanfin), on a très vite vu le programme comme un pont entre la délégation ministérielle et les ONGs de jeunesse. En négociations, ça nous permettait de donner les outils aux ONGs de jeunesse pour être plus techniques et pertinentes dans leur plaidoyer, et, dans l’autre sens, de faire remonter des sujets qu’on pouvait juger importants vers la délégation. Mais surtout, hors négociations, on s’est dit que ça pourrait être pertinent de faire aussi du « terrain », de sortir de nos cercles et d’aller dans des universités parler des négos. Mais voilà, on était deux, et pour être honnête, assez peu structurés, et assez occupés par nos études/boulots respectifs.
Quand de nouveaux JDs sont arrivés (Côme et Cécile), et que de nouvelles personnes ont gravité autour du programme (Auriane et Helène), ça a remis une énergie folle dans le programme JD et surtout dans sa fonction « hors négos » – les interventions en établissements scolaires donc. Les nouveaux arrivants ont pavé le chemin de la nouvelle association – les JACs, et je me suis joint à eux.
Comment s’est passé la création de l’association ? Quelles étapes, et difficultés avez-vous dû affronter ?
Au début, on était très tournés sur la transmission/le partage de la CCNUCC et de ce qui se passe en négociations sur le climat de manière générale, puis on a commencé à aborder d’autres thèmes : les moyens d’action chez soi, ou même des sujets très spécifiques comme les marchés carbones. On prenait le train sans arrêt, c’était très cool. A l’époque on était juste 5, la dynamique était géniale. A vrai dire, les universités étaient très preneuses de ce genre d’interventions, et on adorait débattre – on a même fait une intervention à l’Institut Français du Pétrole ! Donc les difficultés étaient davantage dans la structuration, l’administration de l’association, la réponse aux appels aux subventions, les recrutements de nouveaux membres, surtout en régions. Hélène, qui était la présidente de l’association, a vraiment dépensé une masse d’énergie considérable pour tout coordonner.
Quel rôle as-tu tenu chez JAC ? Qu’est-ce que tu as préféré faire ?
Au bureau, j’étais le trésorier, et je le suis resté officiellement un an. Comme cela faisait deux ans que j’étais déjà JD, et que ma vie professionnelle commençait, je savais que je ne tarderai pas à vouloir me tourner vers d’autres horizons, donc cette prise de poste était surtout histoire d’aider à lancer la structure, et d’apporter ma (faible) expérience sur le lien négo-jeunesse.
Mais ce que j’ai préféré faire, c’est bien-sûr les interventions. Tout laisser pour une journée, aller prendre le train pour Marseille, Reims ou Boulogne-sur-Mer, et aller informer, débattre avec des étudiants sur les négociations climatiques et le climat de manière générale, c’était vraiment le rêve. Je crois qu’en un moins d’un an, on a parlé, à cinq (ou un peu plus), à 2 500 étudiants, lycéens, collégiens.
Et là de voir le travail accompli par la nouvelle équipe depuis deux ans, c’est formidable et assez émouvant !
Qu’est-ce que tu retiens de ta participation aux COPs ?
Mon expérience était un peu particulière, puisque j’étais d’abord Jeune Délégué avec d’être JAC. Mais dans l’ensemble, c’était vraiment une expérience passionnante, à mi-chemin entre le boulot d’un vrai délégué, avec le suivi de négociations, la rédaction de notes de synthèse etc., et le boulot d’un activiste de la société civile, à manœuvrer dans les coalitions d’acteurs, faire des position papers, parler dans des dialogues officiels onusiens. Enfin super expérience, et j’ai appris beaucoup sur les sujets de l’adaptation, de l’agriculture, de l’éducation au changement climatique (« ACE »)
Je suis assez passionné de négociations climatiques à vrai dire, et y suis toujours impliqué, côté société civile (CAN). L’impact, s’il est très long-terme, est massif. C’est parfois un peu frustrant de passer des sessions de négociations entières sur des virgules, mais je trouve le processus assez beau, et pour le coup assez inclusif, par comparaison avec d’autres enceintes multilatérales.
Qu’est-ce que ton passage chez JAC t’a apporté ? A-t-il influencé tes choix professionnels ?
Un peu, dans le sens où je me suis rendu compte que j’adorais donner des cours, des ateliers, discuter devant des amphis. Ça m’a poussé à donner des cours, payés cette fois, à AgroParisTech sur les négociations climatiques, et à prendre le boulot de tuteur académique à mi-temps à l’université SOAS, à Londres.
Des projets ?
Et bien je pense qu’il y aura un moment où je vais me replonger dans la diplomatie. Donc pourquoi pas tenter les concours administratifs, ou essayer de rejoindre directement les UN ou de grandes organisations de la société civile. Enfin on verra ! Pour l’instant, j’ai encore à apprendre beaucoup du terrain et de mon poste actuel.
Parce que les politiques publiques me manquaient un peu justement, j’ai co-fondé un podcast avec un ami, qui essaie de décrypter des politiques publiques sur l’environnement, ou des débats publics qui y sont associés. Ca s’appelle Mieux Vaut Maintenant que Jamais, et on est en train de tourner l’épisode 3, c’est assez loufoque à réaliser.
Je me suis récemment aussi immergé à nouveau dans les négociations climatiques, sur les sujets de l’adaptation et des pertes et préjudices. Ce sont des sujets importants, et peu pris en compte, surtout sur le deuxième, et je pense que la société civile doit continuer à les porter, insister, harceler, et même doit être à la pointe des sujets techniques et à l’initiative des propositions.
Quels conseils donnerais-tu à des personnes qui souhaiteraient s’engager et qui ne savent pas comment faire ? Qui cherchent à donner du sens à leur parcours professionnel ?
Y aller, chercher sur internet et contacter les associations. Je pense que par rapport à il y a cinq ans, les associations ne manquent pas, dans toutes les dimensions de l’action climatique, et que, assez paradoxalement, s’engager pour le climat n’a jamais été aussi facile.
Mais surtout je recommanderais de ne pas hésiter à contribuer aux débats publics, mais en étant déjà techniques, voire ultra-techniques et spécialisés sur un sujet. Et puis à fabriquer du contenu, transmettre. Aller manifester c’est super, mais là où vous ferez la différence (du moins les JACs), c’est en allant faire du terrain en universités, en se fabriquant puis transmettant des connaissances et des moyens d’action.
C’est aussi dans sa carrière, en évitant les postures, qui ne mènent pas très loin au-delà de posts qui marchent bien dans les réseaux sociaux (même si c’est important). C’est vraiment plutôt en fouillant, en comprenant par exemple pourquoi tel député défend un accord commercial, l’abandon de l’écotaxe, etc., pour pouvoir ensuite passer par-dessus, et construire des politiques inclusives. Enfin ça relèvera sûrement de l’évidence pour beaucoup, mais ça me semble important. Les sujets environnementaux sont trop sérieux, et trop urgents, pour qu’on ne passe pas par la case technique : et pas seulement les politiques mais tous les militants. Tout le monde doit savoir avant de réclamer, et savoir le plus vite possible.